Si la population ne les ressent pas forcément, des tremblements de terre se produisent tous les jours en France. Et l’Auvergne n’est pas épargnée.
Sous nos pieds, la terre tremble, régulièrement. Si par exemple ce 30 janvier le mouvement mesuré près de Vic-le-Comte dans le Puy-de-Dôme n’était le fait que de tirs de mines, celui relevé à Bagnères-de-Bigorre dans les Pyrénées, ce vendredi, était bien dû à un tremblement de terre, selon le site du Réseau National de Surveillance Sismique.
Le Puy-de-Dôme classé plus à risque que le Cantal
Les risques sismiques ne sont pas les mêmes sur l’ensemble du territoire. Ils se mesurent sur une échelle de 1 à 5, selon la fréquence et la force de ceux-ci. Seules les Antilles se trouvent classées au niveau le plus haut. Viennent ensuite les Alpes et les Pyrénées au niveau 4 dit « moyen ». La quasi totalité du Puy-de-Dôme se trouvent à un risque « modéré », le reste de l’Auvergne et la Creuse à un niveau « faible » et la Corrèze est classée « très faible ».
« Le modéré dans la conscience des gens ne veut peut-être pas dire un risque mais il est bien présent. »
Emilie VanoudheUsden – Directrice du BRGM Aura, Ingénieure en géotechnique et risques naturels
Heureusement, si les séismes sont assez fréquents, on ne s’en rend souvent pas compte. Le ressenti de la population est calculé sur une échelle de 1 à 12. Pour cela, les scientifiques parlent de l’intensité. Ils considèrent que c’est à partir de 3 que les habitants vont ressentir des tremblements et à 4 qu’un dormeur va se réveiller et que les murs vont commencer à bouger.
Un tremblement de terre d’une magnitude de 3,3 a secoué les Combrailles
Au XVe siècle le Puy-de-Dôme recense trois séismes estimés entre 5 et 6 sur l’échelle de Richter
Au XVe siècle, des textes rapportent plusieurs gros tremblements de terre autour de Clermont-Ferrand estimés, selon les témoignages des gens de l’époque à une intensité de 7 à 8. Celui de 1477 avait par exemple fait tomber le clocher de Notre-Dame du Port.
Un séisme important en Auvergne : c’est scientifiquement possible mais peu probable
Quant à l’échelle de Richter, elle mesure la magnitude du tremblement de terre soit l’énergie qu’il libère. Le plus puissant aujourd’hui enregistré l’a été au Chili le 22 mai 1960 à 9,5 et aurait fait entre 3.000 et 6.000 morts.
Malgré les perturbations subies par la planète à cause du changement climatique, les scientifiques ne recensent pas plus de tremblements de terre aujourd’hui qu’avant. Or, ils ne sont toujours pas en capacité de dire où et quand, ils se produiront.
Valérie Guinard – Julien Vellet
Un séisme important en Auvergne : c’est scientifiquement possible mais peu probable
Dans l’ouvrage scientifique Quand le Terre tremble, le CNRS fait le point sur les risques de séismes en France. En Auvergne, au pays des volcans endormis, quel est le risque ?
Si on a gardé en mémoire la trace plus ou moins récente de secousses et de dégâts légers, le tremblement de terre le plus puissant vécu par l’Auvergne, en 1490, est un souvenir qui prend la poussière en haut de l’étagère des souvenirs.
Pourrait-on revivre un séisme de cette ampleur ? Volcanologue au laboratoire Magma et Volcans de Clermont-Ferrand, Patrick Bachèlery a contribué à l’ouvrage du CNRS Quand la Terre tremble, piqûre de rappel sur les risques telluriques à destination des pouvoirs publics. Le scientifique clermontois nous explique pourquoi « ce risque doit être envisagé, pris en compte et anticipé ».
Le commun des mortels a du mal à imaginer un séisme en Auvergne. Un scientifique a-t-il la même lecture ?
« Dans les sciences de la Terre, on est habitué à jouer sur des grandes échelles de temps. Pour le volcanisme, on considère que les volcans d’Auvergne sont potentiellement actifs puisque la dernière éruption date de 6.700 ans : c’est très récent pour nous. Évidemment, pour le commun des mortels… Géologiquement parlant, cela a du sens parce que la situation qui a conduit à avoir une éruption est toujours la même aujourd’hui. Cela ne change pas aussi vite que cela. »
Le risque d’un séisme destructeur comme celui de 1490, qui a causé des dégâts importants à Riom et Clermont, est-il toujours actuel ?
« Oui, bien sûr. Parce que les conditions géodynamiques qui ont conduit à ce séisme n’ont pas changé. Les échelles de temps pour que les choses évoluent sont très longues. »
C’est bien actuel. Et, donc, c’est un devoir de rappeler aux décideurs que ces choses-là doivent être envisagées, prises en compte et anticipées. Évidemment, c’est beaucoup plus facile de prendre en compte le risque climatique, inondations ou sécheresse, car il est plus fréquent.
La science est-elle réellement capable d’évaluer le risque ?
« C’est compliqué… On travaille d’abord sur la compréhension des phénomènes, pourquoi cela se produit. Ensuite, il y a l’observation de ce qui se passe actuellement, qui nous permet de prévenir et prévoir. Ou, en tout cas, de chercher des méthodes pour pouvoir le faire. »
Pour les volcans, comment anticipe-t-on ?
« Aujourd’hui, on a des succès dans la prévision des éruptions, par exemple avec le Piton de la Fournaise, à La Réunion, que l’on sait très bien suivre. On peut annoncer quelques heures ou quelques jours avant la survenue d’une éruption. Après, chaque volcan a son fonctionnement. Les observations du Piton de la Fournaise ne sont pas directement duplicables à d’autres sites, mais les méthodes restent les mêmes. »
Si, un jour, la Chaîne des puys se met à donner des signes de réveil, on va enregistrer des séismes. Et on sait si du magma transite ou pas, on va enregistrer des déformations que l’on sait modéliser. Ces techniques seraient applicables pour une future éruption en Auvergne.
Les séismes auvergnats ont-ils un lien avec le volcanisme de la région ?
« Généralement, c’est assez découplé. Mais ce n’est pas aussi simple… Une éruption qui se prépare génère de la sismicité, des séismes de faible magnitude, que l’on sent à peine. Mais, dans la grande majorité des cas, c’est indépendant. Dans le cas de l’Auvergne, on a des volcans jeunes, pas actifs actuellement mais jeunes, et on a de la sismicité. Les deux ne sont pas liés et, d’ailleurs, on ne sait pas très bien expliquer l’origine exacte des séismes. C’est probablement lié au système de failles de l’Auvergne, telle la faille de Limagne. Elles génèrent de l’activité sismique mais on ne sait pas encore très bien la caractériser. »
Peut-on prévoir les conséquences d’un séisme similaire à celui de 1490 ?
« Pour les sismologues, regarder vers le passé est difficile car un séisme laisse peu de traces géologiques, alors que sur un volcan on peut étudier l’activité passée avec les dépôts, les projections, les coulées. Pour les périodes avant les mesures de magnitude, les sismologues travaillent à partir des chroniques historiques et utilisent une échelle d’intensité, basée sur les dégâts. C’est vrai que les bâtiments anciens sont a priori plus fragiles ; pour les constructions plus récentes cela dépend du respect des normes dans les régions concernées par le risque sismique. »
Peut-on quantifier le niveau de risque en France ?
« Pour les glissements de terrain, cela concerne les Pyrénées et surtout les Alpes. Pour la sismicité, là aussi ce sont les Alpes et les Pyrénées, plus la zone niçoise, le fossé rhénan en Alsace. Et puis il y a une sismicité du Massif central jusqu’à la côte charentaise et le Massif armoricain, lié à des vieilles structures de failles. En Auvergne, le risque est quand même moindre. En terme de volcanisme, les zones à risques se situent en Outre-mer, avec les volcans des Antilles et de La Réunion. »
Concernant plus particulièrement les volcans d’Auvergne, y a-t-il des signes de réveil ?
« Le Pavin est le dernier site éruptif, il y a 6.700 ans. Le volcanisme est potentiellement actif dans la région, certains travaux montrent même qu’il y aurait toujours du magma actif sous la Chaîne des puys. Il faut considérer que le déroulement des éruptions de la Chaîne des puys fonctionne par phases, avec environ 15.000 ans de repos entre les deux dernières. »
On peut très bien être dans une phase de repos et avoir une reprise d’activité dans le futur. Mais on ne peut pas savoir quand, juste dire que c’est potentiellement possible. Actuellement, il n’y a aucun signe de réveil de la Chaîne des puys, ça, c’est clair !
Philippe Cros